2012

Mont-Valérien, 2 juin 2012

Il fait un magnifique soleil. La chaleur est accablante, pourtant très vite l’assistance est captivée par le spectacle que présente François Beaulieu : « Et c’est la nuit qu’il est beau de croire à la lumière ».

Durant une heure, sa voix chaude, remarquablement accompagnée par un talentueux pianiste, évoque et fait vivre La Résistance sous toutes ses formes. L’émotion est palpable et les applaudissements éclatent, presque à regret…car chacune et chacun voudrait que le spectacle se poursuive tant il touche au plus profond de l’être. Se déroule ensuite la traditionnelle cérémonie d’hommage aux Fusillés tombés en ces lieux au cours de la Seconde Guerre mondiale : dépôts de gerbes devant le Mémorial de la France Combattante, en présence de la représentante du Ministre des Anciens Combattants récemment nommé, lectures de poèmes et de lettres de Fusillés dans la clairière, suivies du Chant des Partisans, de L’Affiche rouge et de La Marseillaise interprétés par la Chorale Populaire de Paris. La foule peut ensuite aller se recueillir devant conçu par Pascal Convert pour honorer et pérenniser le souvenir des Fusillés, tous les Fusillés victimes des nazis.

La participation de beaucoup de jeunes nous a émus, c’est là un signe d’espoir et d’encouragement pour nous. Notre présence au Mont-Valérien chaque année répond autant à un devoir qu’à une nécessité, celle de voir perdurer la mémoire des héros, célèbres ou anonymes, dont les combats et les sacrifices ont rétabli la liberté dont nous jouissons aujourd’hui.

Mont-Valérien : haut-relief exemplaire

« Honorer toute la France combattante » tel est, à l’évidence, le discours officiel que servent les divers aménagements du site du Mont-Valérien. Un décret présidentiel, pris par le Général de Gaulle en novembre 1958, y avait prévu la construction d’un Mémorial de la France combattante. Les différentes mémoires devaient y cohabiter en toute sérénité. Simple et consensuel en apparence, le programme demeurait complexe s’agissant de mémoires diverses, voire antinomiques. Le Mémorial fut inauguré en 1960.

Faisant face à une esplanade de plus de 10 000 mètres carrés, un mur monumental (10 m de haut – 100 m de long) encadre un contre-mur en grès rose des Vosges qui exhibe, en son milieu, une croix de Lorraine s’élevant à 12 m. La flamme du souvenir brûle en permanence au pied de la croix. De part et d’autre, 16 hauts-reliefs de bronze, tous inscrits dans un carré, jaillissent en saillie de la paroi. Ils sont nommés et présentés sur deux tablettes, au bas des gradins réservés au public des cérémonies, à gauche et à droite, sur l’esplanade. Ces sculptures, œuvres de commande, soulignent la diversité des combats menés contre l’Allemagne hitlérienne et nous disent que, derrière le Général de Gaulle, avec les Alliés, l’armée française reconstituée a bouté l’ennemi hors de France ; les Résistants, se joignirent à ces combats et participèrent à la libération du territoire national. L’emplacement du Mémorial a été choisi « symboliquement … contre le glacis sud-est du fort, c’est-à-dire le plus proche de la Clairière des Fusillés » enclose dans l’enceinte militaire.

Marquée par la pensée dominante et l’esthétique de l’époque de son édification, la façade du monument exalte l’heureuse et efficace renaissance de l’armée française derrière un chef charismatique, Charles de Gaulle. Le grand mur aveugle et sa croix démesurée ne masquent-ils pas un peu la drôle de guerre, la défaite, les compromissions qui s’ensuivirent ?

Les sujets retenus pour illustrer cette façade méritent attention : 11 sur 16 parlent de villes (6 françaises – 2 italiennes – 2 lybiennes – 1 norvégienne) ; 7 sont consacrés à des unités militaires (dont 4 chefs sont nommés dans les commentaires) ; 4 évoquent les civils anonymes : « Maquis », « Déportation », « Action », « Fusillés ».

L’esthétique principalement sollicitée est figurative, usant de symboles ou d’allégories ; l’académisme est assumé, jusqu’à l’emphase efficace parfois : glaives, chaînes brisées, barbelés agressifs, animaux menaçants ou menacés…Toute une époque est là ! Une seule tentative, due à Maurice Calka, ose délibérément l’abstraction et provoque parfois l’incompréhension : « Fusillés ». Un jour, un enfant interloqué me demanda : « C’est quoi, ça ? » Au lieu de répondre, je questionnai à mon tour : « Que vois-tu ? – C’est pointu partout, répondit-il avant de poursuivre, je ne sais pas ce que c’est. Ça fait mal ! » Confirmer cette interprétation en dévoilant le titre de l’œuvre n’était plus que simple formalité, le principal était compris.

L’ouvrage « Mont-Valérien – Résistance, Répression et Mémoire » (1), dirigé par Mme Claire Cameron et publié à l’occasion de la rénovation du Mont-Valérien, propose un commentaire sobre et efficace : « Lacéré par les balles du peloton d’exécution, l’homme n’est plus qu’une matière sans visage et sans forme. De sa chair pitoyable se lève l’anathème contre l’oppression et la guerre. Parce qu’ils ont décidé de reprendre la lutte contre l’Occupant ou parce qu’ils sont livrés comme otages, nombre de Français et d’Étrangers sont fusillés par les Allemands entre 1940 et 1944 ».

Jacques Carcedo

(1) © 2008 Gourcuff Gradenigo – 8,rue des Lilas – 93189 Montreuil cedex – (19€)